Copiedouble

Sa majesté des mouches R-U, Peter Brook (1963)

Ils vous réclament pour la 8ème fois Harry Potter ? Proposez-leur  “Sa Majesté des Mouches”. Là aussi les héros sont des gamins aux visages d’anges mais ils emmèneront vos enfants loin de Poudlard, sur une île déserte, où tout peut arriver… Peter Brook, grand homme de théâtre vivant à Paris depuis 1970, réalise là un film intense à la portée philosophique, qui fera grandir vos ados.Le film sera nommé pour la palme d’or au festival de Cannes de 1963 (finalement remportée par “ Le Guépard” de Visconti). A partir de 12 ans.

Le mythe de robinson revisité

Pendant la guerre, de jeunes garçons issus des meilleurs pensionnats anglais sont envoyés par leurs parents à l’abri du conflit, en Australie. Mais l’avion s’écrase sur une île déserte et aucun adulte ne survit, laissant les enfants livrés à eux-mêmes…

Attachants et souvent d’une beauté angélique, certains garçons vont peu à peu sombrer dans la barbarie. Malgré un happy end inattendu, le récit est bien celui d’une montée de la violence et de la tyrannie.  Le roman de William Golding paraît en 1954. L’auteur reste marqué par le conflit mondial : “l’après-guerre nous fit voir peu à peu ce que l’homme peut faire à l’homme” déclare-t-il.

En 1961, Peter Brook, ayant obtenu les droits du roman, réunit sur une île près de Porto Rico de jeunes garçons et les encourage à improviser, dans le cadre de l’histoire, devant deux caméras qui les suivent. Un tournage original duquel sortira un film puissant.

Piggy et Ralph

Des personnages typés

Parfois jusqu’à la caricature, chacun des garçons endossera un rôle social marqué. Ralph, l’aîné, responsable et respectueux de la démocratie, verra son autorité anéantie par le brutal Jack. Manipulateur mais charismatique, ce brillant élève se transformera peu à peu  en tyran, troquera ses derniers vêtements pour des peintures de guerre et détiendra le pouvoir de vie et de mort sur les membres de la communauté. Intelligent et sensible, Piggy finira par se soumettre et se résigner. Simon, figure de la non-violence, incarne ici la dignité et la résistance devant l’oppression. Certains de ces garçons auront un destin tragique…

Un parti pris cinématographique au service du récit

La mise en scène accompagne la descente aux enfers. D’abord ordonnée, à l’image de ces jeunes rescapés d’un crash mais parfaitement vêtus et coiffés, la caméra alterne ensuite les plongées et contre-plongées et semble peiner à suivre les personnages. 

Les enfants ne sont plus filmés qu’en gros plans, par morceaux de visages ou de corps, comme une manière d’accompagner leur déshumanisation. Le montage est brutal, la pellicule noir et blanc très imparfaite, tantôt surexposée tantôt très sombre. Un sentiment de malaise s’empare du spectateur comme en écho à celui des enfants

Un propos philosophique

Le film pose de nombreuses questions : l’éducation suffit-elle ? La civilisation peut-elle s’opposer à la barbarie instinctive ? Une démocratie peut-elle survivre à ses idéaux en cas de crise majeure ? A partir d’une situation improbable mais plausible, le film nous parle d’ humanité, bien loin de la conception optimiste de Jean-Jacques Rousseau !

Et à l’interrogation de Simon, dans la nuit noire de l’île déserte : “Il y a peut-être un monstre ? …. C’est peut-être nous ?”, Peter Brook répond oui, sans le moindre doute.

En voici deux extraits, l’un en version originale, le second en version originale sous-titrée. Le film complet peut être visionné en version française sur streamcompletgratuit.fr. Il est disponible sur d’autres plateformes en VOST.

Pour aller plus loin...

  • VO, VF, VOST, adaptation, doublage, post-synchronisation…. à découvrir dans notre prochain blog !